Accueil > Liens > Actus sciences > La kinesine peut faire marche arriere
Les cellules nerveuses ont la particularite d’etre composees d’un corps
cellulaire et d’une extension contenant l’axone. Pour maintenir le bon
fonctionnement de la cellule dans sa totalite, il existe un systeme qui
transporte, le long de structures appelees microtubules (MTs) situes au sein
des axones, des neurotransmetteurs, proteines, lipides ou encore nutriments
depuis leur lieu de synthese (au sein du corps cellulaire) jusqu’aux
extremites des axones. Les kinesines (il existe un ensemble de 14 familles
et le nombre de proteines est estime etre superieur a 100) sont les
proteines motrices qui permettent ce transport rapide vers la partie distale
de l’axone. Elles sont capables de convertir de l’energie chimique -grace a
la liaison d’une molecule d’ATP- en une energie mecanique. La plus
importante est appelee kinesine-1, ou kinesine conventionnelle. Alors que
les mecanismes chimiques de ce processus ont ete bien decrits, N. J. Carter
et R. A. Cross se sont penches, dans une etude publiee dans le journal
Nature, sur l’execution mecanique du mouvement pour en comprendre les
differentes etapes.
Kinesine-1 est presente dans tous les types cellulaires, a tous les stades
de developpement et dans tous les organismes cellulaires testes. Il s’agit
d’un dimere, au sein duquel chacun des monomeres est forme d’une tete, d’un
corps flexible et d’une queue. Les tetes du dimere contiennent le domaine de
liaison et le domaine d’hydrolyse de l’ATP, et se deplacent l’une apres
l’autre en effectuant un « pas » de 8 nanometres au cours d’un intervalle de
temps de l’ordre de la microseconde. Les queues, quant a elles, sont
impliquees dans le transport des molecules. Imaginons un instant que
kinesine-1 corresponde a un individu se deplacant le long d’une corde tendue
(le MT) ; ses pieds representeraient les tetes du dimere, se detachant puis
avancant l’un apres l’autre le long de la corde (utilisant de l’energie) et
ses mains representeraient les queues du dimere (portant la charge ou
subissant la force). A chaque deplacement, a chaque pas, kinesine-1 depense
l’energie apportee par la liaison puis l’hydrolyse d’une molecule d’ATP.
Cette etude permet de donner des elements de reponse concernant d’une part,
le transfert de kinesine-1 d’un site d’attachement a un autre sur le MT et,
d’autre part, le transfert de la charge d’une queue a l’autre. En
appliquant, a l’aide de pinces optiques, une force d’attraction ou de
repulsion sur une molecule unique de kinesine-1 attachee a une petite perle
en plastique, ils ont ainsi demontre que lorsque la force appliquee sur
kinesine-1 depasse un certain seuil, celle-ci est capable de faire marche
arriere.
Au plan chimique, il est connu que lorsque la concentration d’ATP est
limitante, kinesine-1 s’arrete ; une tete est alors fermement attachee au
microtubule pendant que l’autre est inhibee de facon a ne pas liberer son
ADP. L’arrivee et la liaison d’une molecule d’ATP sur la tete attachee au
microtubule leve cette inhibition. A concentration d’ATP saturantes, la
vitesse de kinesine-1 varie de facon presque lineaire avec la force
appliquee, et ce jusqu’a un maximum (environ 7 piconewtons, pN), qui induit
alors l’arret du mouvement. Si la force appliquee continue d’augmenter, la
machinerie entiere se met alors a reculer. Les opinions sont partagees quant
a la signification de ce phenomene ; il y a ceux qui estiment qu’il s’agit
d’un evenement de derapage et ceux qui pensent au contraire qu’il s’agit
d’un processus a part entiere, necessitant, tout comme le mouvement en
avant, l’energie liberee par l’hydrolyse d’un ATP. Cette hypothese est
renforcee par des etudes recentes demontrant que ces « pas » en marche arriere
dependraient de la concentration en ATP. La force appliquee qui oblige la
kinesine a stopper son mouvement en avant n’est cependant pas dependante de
la concentration d’ATP.
Notons que les auteurs de l’etude considerent, au vu de leurs resultats,
qu’il existe un decalage, pendant le mouvement en arriere, entre les cycles
d’hydrolyse de l’ATP sur les microtubules et le mouvement des tetes de
kinesine-1. En effet, ils demontrent que l’intervalle de temps separant
chaque « pas » est inversement proportionnel a la concentration d’ATP,
suggerant que la liaison d’une molecule d’ATP est necessaire pour les deux
types de mouvements, avant et arriere. Kinesine-1 utiliserait alors autant
d’energie pour reculer que pour avancer. Ce processus avance par les deux
auteurs peut etre illustre, en faisant un parallele avec le moteur
Moteur
moteurs
Qui est lié aux mouvements.
de
voiture, qui continue de tourner dans le meme sens lorsque l’on passe la
marche arriere.
Sources : Nature, Vol.435, pp308-12, 19/05/05, http://www.nature.com
Redacteur : Dr Claire Mouchot